Par Carine Bouzaglou
Afin d'inciter les parties d'aller en mode alternatif de règlement, le législateur leur offre un avantage. Si les parties participent à la médiation avant d'intenter des procédures, tout en respectant les conditions décrites ci-dessous, leur recours sera instruit par priorité. Le législateur est venu créer une voie rapide pour les justiciables qui ont véritablement essayé de régler leur litige à l'amiable avant d'en saisir les tribunaux.
L'article 1, paragraphe 3 du Code de procédure civile (C.p.c.) prévoit :
Les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux.
Malheureusement, cette obligation n'a pas eu d'impact significatif sur le nombre de procédures judiciaires intentées.
Dans le but de motiver davantage les parties à véritablement considérer tout règlement potentiel avant de poursuivre en justice, le paragraphe suivant, entré en vigueur le 30 juin 2023, a été ajouté à l'article 7 C.p.c. :
Si les parties exercent leur droit d'agir en justice, la demande alors introduite en toute matière autre que familiale est instruite par priorité si elle est accompagnée d'une attestation délivrée par un médiateur accrédité ou par un organisme offrant la médiation en matière civile et confirmant qu'elles ont eu recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends ou d'une preuve que les parties ont convenu d'un protocole préjudiciaire.
Le législateur offre un incitatif significatif : si les parties participent à la médiation avant d'intenter une action en justice, elles bénéficieront d'un avantage, leur affaire sera jugée par priorité. Actuellement, une fois qu'une déclaration commune des parties indiquant que le dossier est en état est déposée, la majorité des procès seront fixés dans plusieurs mois, voire plusieurs années. Pour les dossiers où une attestation délivrée par un médiateur accrédité a été déposée avec la demande introductive d'instance, ce délai devrait être considérablement plus court.
Pour bénéficier de ce traitement préférentiel, les conditions suivantes doivent être remplies :
Les parties doivent activement participer à la médiation ;
La médiation doit avoir lieu avant l'introduction de la demande introductive d'instance ;
La médiation doit avoir lieu devant un médiateur accrédité ou un organisme offrant la médiation en matière civile ;
Si les négociations échouent, le médiateur doit délivrer une attestation confirmant que les parties ont eu recours à un mode privé de prévention et de résolution de différends; et
Cette attestation doit être déposée avec la demande introductive d'instance lors de l'introduction des procédures.
Cet article s'applique aux matières civiles introduites devant la Cour du Québec et la Cour supérieure. Il ne s'applique pas aux affaires familiales ni aux litiges civils introduits devant la Cour des petites créances.
Une question qui peut se poser avec la nécessité de participer à la médiation avant l'introduction de procédures est la prescription. Si les délais de prescription expirent dans un avenir rapproché, les parties pourraient être réticentes à prendre le risque que leurs droits s'éteignent pendant le processus de médiation. L'article 7, paragraphe 2 C.p.c. prévoit que les parties peuvent convenir de renoncer à la prescription acquise et au bénéfice du temps écoulé pour celle commencée ou convenir de suspendre la prescription pour la durée de la procédure. Tout accord de suspension de la prescription ne peut excéder six mois et doit être établi dans un document signé. Il s'ensuit que si les parties sont disposées à aller en médiation avant d'intenter des procédures, la prescription ne devrait pas être un obstacle.
Les avantages de la médiation dès le début d'un litige vont au-delà de l'accélération du processus judiciaire. Selon le Rapport annuel de gestion 2020-2021 du ministère de la Justice chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/justice/publications-adm/rapport-annuel-de-gestion/RA_annuel_2020-2021_MJQ.pdf, environ 60 % des dossiers soumis à la médiation se règlent lors de la médiation. Pour les 40 % restants, la médiation produit souvent des ententes partielles où les parties parviennent à résoudre des points spécifiques de leur litige. Cela peut considérablement simplifier le débat juridique qui se déroulera ultimement devant les tribunaux, économisant ainsi du temps, des ressources et, en fin de compte, de l'argent.
Les demandes dans lesquelles soit la valeur de l'objet du litige, soit la somme réclamée, est inférieure à 100 000$, sans égard aux intérêts, sont désormais traitées selon les règles simplifiées particulières pour le recouvrement de certaines créances prévues aux articles 535.1 et suivants C.p.c. L'article 535.12 C.p.c. prévoit une obligation pour les parties de participer à une conférence de règlement à l'amiable. Cependant, si l'attestation délivrée par un médiateur accrédité ou un organisme offrant la médiation en matière civile décrite ci-dessus a été déposée lors de l'introduction de la demande, les parties peuvent convenir de remplacer cette conférence de règlement à l'amiable par une conférence préparatoire à l'instruction où les parties procèdent à la mise en état du dossier. En lisant cet article conjointement avec l'article 7, paragraphe 3 C.p.c., les juges peuvent également fixer une date de procès par priorité lors de cette conférence préparatoire à l'instruction.
Bien qu'il soit vrai que les parties doivent assumer les coûts de la médiation, ce débours est davantage un investissement qu'une dépense. Le temps, comme le dit le proverbe, est effectivement de l'argent. En optant pour la médiation avant d'intenter une action en justice, les parties font non seulement un pas vers la résolution à l'amiable, mais s'assurent également que l'efficacité et la rentabilité de leurs parcours juridiques soient maximisées.
Pour une version publiée de cet article, voir Repères, Décembre, 2023, EYB2023REP3701.
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